samedi 25 avril 2015

Mémoire

Je me rappelle, de ce film mystérieux, il y a bien longtemps qui m’avait donné à beaucoup réfléchir pendant des années : il s’agissait de « 2001, Odyssée de l’espace ». J’étais intriguée par cette hypothèse d’une main bienveillante qui avait guidé l’humanité depuis ses racines perdues dans l’animalité, puis guidé sur le chemin de l’hominisation, puis conduit sur la voie de l’humanisation. Je m’étais toujours demandée si cette hypothèse d’une intervention hétéronome bienveillante était la seule explication valable pour justifier que du chaos des lois de l’univers, soit déterministes, soit soumises au hasard, émerge des êtres vivants aussi complexes et évoluées que les êtres humains.
Un autre film m’avait aussi conduite à m’interroger sur l’histoire du Christianisme : il s’agissait du « Da Vinci code ». Je savais parfaitement que ce film évoquait une fiction parfaitement loufoque, sans la moindre justification historique, à savoir une descendance de Jésus Christ et de Marie Madeleine. Toujours que certains commentaires sur ce film semblaient accréditer l’idée que l’Église cachait une vérité sur le début de l’histoire du christianisme.
L’intérêt de ces fictions n’est pas seulement de stimuler les imaginations les plus farfelues, mais d’inviter à réaliser soi-même ses propres recherches pour donner une base solide à ses références.
Alors il ne faut pas aller chercher plus loin ma curiosité à comprendre  les débuts du christianisme. Mes recherches bibliographiques m’ont permis de comprendre que l’Église ne cachait pas de secret, mais que d’une façon générale, c’était plutôt notre manque de culture historique et religieuse qui risquait de nous induire en erreur, à la merci de talentueux compteurs d’histoires merveilleuses ou de falsificateurs manipulateurs exploitant notre naïveté. Les Évangiles ne sont pas des récits de contes et légendes. Ils ne sont pas non plus de purs témoignages historiques. Ils doivent être interprétés avec le prisme de la foi chrétienne sans quoi la parole sacrée reste muette ou inaudible. Il n’y a pas de mensonge et de secret d’église sur la genèse de notre religion. S’il l’on se donne la peine de s’intéresser aux travaux des pères de l’églises qui ont succédé aux apôtres et évangélistes, alors on constate qu’il n’y a aucun complot de rupture avec la source évangélique.
Mais comment ne point s’effrayer comme Pascal du silence des espaces-temps infinis au point d’en avoir le vertige de la solitude, si l’on ne parvient pas à faire le lien entre la vie terrestre de Jésus-Christ et notre propre vie éloignée de plus de XX siècles. Cet éloignement ne peut être comblé qu’en prenant conscience de cette longue chaine de vies humaines qui a tour de rôle, comme des athlètes olympiques, ont porté le flambeau de cette lointaine parole sacrée, pour qu’elle ne se perde jamais dans la nuit des temps et la finitude de chaque vie humaine. Combien de personnes, des chrétiens, ont donné leur vie pour que la foi et l’espérance ne soient pas oubliées et perdues à jamais, pour que cette parole nous éblouisse encore aujourd’hui au cœur de notre modernité un peu trop arrogante. Et regardant toujours plus en arrière dans le temps, bien avant les Évangiles, je vois tous ces biblistes épris d’une frénésie d’écriture pour mettre en forme des récits bibliques de tradition orale qu’ils estiment être un patrimoine religieux et culturel essentiel à transmettre à l’humanité qui suit.
Cette pensée est une immense prière d’action de grâce à l’égard de cette longue chaine humaine chrétienne qui a toujours œuvré en toute abnégation et désintéressement, pour le plus grand bénéfice de leurs successeurs.
D’ailleurs religion dérive notamment du mot latin « religare « qui signifie « relier ». Il n’y a pas de religion sans relation, relation à Dieu, au Christ, mais aussi aux autres hommes, les vivants, mais aussi aux morts, ceux que nous avons connus et aussi à nos prédécesseurs à qui nous devons aussi tellement. Jamais nos prières ne parviendront à exprimer notre gratitude à la hauteur du don dont nous avons hérité.


Emylia

samedi 18 avril 2015

Mysticisme et religion dynamique

« La morale de l'Évangile est essentiellement celle de l'âme ouverte. »

 « Ne parlez pas d’esprits différents des nôtres ;

dites seulement qu’ils ignorent ce que nous avons appris. »

H Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion

« Vivre pour l'esprit, c'est essentiellement se concentrer sur l'acte à accomplir. »

H. Bergson, L'Énergie spirituelle

« Nous échouons à traduire entièrement ce que notre âme ressent :

la pensée demeure incommensurable avec le langage. »

H. Bergson



Je perçois bien que les diverses personnes que je côtoie,  n’appréhendent pas la foi ou la religion d’une façon similaire, dans la pensée, les actes et l’attitude. Manifestement nous n’éprouvons pas tous les mêmes transformations dans nos vies. Pour mon compte, j’ai toujours été embarrassée par le terme de mysticisme, car je l’imaginais correspondre à une manifestation exaltée un peu excessive, voir sulfureuse du sentiment religieux. Je me rappelle de mon étude sur quelques grands Saints comme Thérèse d’Avila connue comme une grande mystique. Sainte Thérèse éprouvait fréquemment des extases lors des messes, ce qui ne manquait jamais d’agacer les liturgistes canoniques, très pointilleux sur respect des règles du culte.
Je viens de découvrir la pensée du philosophe Bergson sur le mysticisme dans son livre « Les deux sources de la morale et de la religion » et commenté dans les chemins de la connaissance sur France Culture.  Et je suis véritablement très agréablement surprise par l’expérience personnelle de ce brillant philosophe qui a dû vivre une profonde conversion bien qu’il n’ait pas pu la mener jusqu’au baptême. Le philosophe n’utilise pas des mots religieux comme la foi, la conversion. Il en emploie d’autres termes pour narrer cet étrange phénomène de métamorphose spirituelle.
Le philosophe perçoit bien l’opposition entre d’une part une forme de religion qui serait close, refermée sur le clan de ses adeptes et d’autre part l’expression d’une religion ouverte sur l’infini de l’universel, qui transcende toute frontière de protection contre « les étrangers », et qui découvre le sens de l’humanité et du divin et surtout de l’amour de toute vie.
Il dissocie la première forme de religion qu’il qualifie de statique, de la seconde forme désignée par le terme de religion dynamique, c’est-à-dire de vivante (donc non sclérosée). La capacité d’expression d’une religion dynamique par une personne, demande une énergie intérieure hors du commun, inlassablement orientée vers la recherche (probablement obsessionnelle mais non névrotique) du principe de vie et de toute vie.
Ces personnes hors du commun fascinent et entrainent dans leur sillage, une multitude d’autres personnes qui se découvrent en elle, un sentiment spirituel inchoactif. Les grands mystiques sont des Saints qui ne doivent en aucun cas être confondus avec des gourous. Les mystiques indiquent le chemin qu’il est possible de suivre pour se libérer intérieurement des pesanteurs morales de la société pour faire sien, un sentiment d’amour universel.


dimanche 12 avril 2015

Une semaine après Pâques

Pâques et la résurrection s’éloignent un peu de notre calendrier. J’aurais pourtant voulu présenter à temps, le résumé très convainquant qui exprime la finalité de la première partie du dernier livre du Père Joseph Moingt « Croire au Dieu qui vient ».
Ces citations des pages 285-286 nous plongent dans une profonde réflexion chrétienne que nous devons méditer, sous l’éclairage de la première partie de son livre.

Question que se pose J.M :

Quel crédit peut-on accorder à un discours du salut qui fait miroiter une destinée future de vie éternelle, discours qui a pris naissance dans des rêveries apocalyptiques proches du désespoir, qui s’appuie sur  l’annonce invérifiable d’une résurrection inintelligible, qui a survécu à l’attente déçue de la venue d’un Sauveur en se faisant porter par une religion dominatrice, maintenant devenue essoufflée ? Et quel peut être le sens d’un salut qui détourne des réalités présentes et des combats nécessaires à la poursuite de l’aventure humaine ?

La réponse, inspirée d’une réponse du Christ aux interrogations de St Pierre :

La persévérance dans la foi vient en réalité de l’appel qu’il lui a adressé jadis : la foi se nourrit de l’espérance qu’elle soutient et qu’elle fait naitre et suscite toujours à nouveau.
La croyance à la résurrection de Jésus n’a jamais eu d’autres sources que de la foi et de l’espérance. Il est vain d’en chercher quelque preuve historique par-dessous les récits évangéliques, ou de se demander sous quelle forme il a pu se faire voir à nouveau après sa mort. Sa résurrection n’a pas été un événement survenu quelques temps après sa mort, ce fut le retournement de sa mort en vie éternelle, sa disparition dans l’invisibilité de Dieu, et c’est ce que signifie cette découverte du tombeau vide. Ce qu’elle a eu d’événementiel s’est produit dans l’esprit en même temps que dans l’existence des disciples, dans le choc qu’ils ont ressenti en percevant la présence de Jésus qui venait à leur rencontre en surgissant, non plus du passé où ils l’avaient connus et déjà l’enfermaient, mais du futur où ils hésitaient à le reconnaître et où il les appelaient à déchiffrer sa nouveauté en allant eux-mêmes au-devant de visages nouveaux à travers le vaste monde. Confesser sa résurrection n’est pas proclamer un événement du passé qui aurait échappé à l’observation historique, c’est annoncer un présent, annoncer qu’il est vivant en Dieu, mais vivant d’une vie nouvelle, divine, ce qu’ont fait les apôtres en lui donnant le nom de Seigneur. L’affirmation de la foi porte sur la personne de Jésus, sur la réalité permanente de son être en Dieu, non sur un fait transitoire.  Elle porte aussi sur Dieu, en se retournant vers nous : Dieu est l’ennemi de la mort, il en est le vainqueur, il est source de vie, il nous appelle, à travers Jésus, à la vie éternelle, et c’est là où sa résurrection prend tout son sens pour nous en devenant parole intelligible, appel à vivre, à faire confiance à la vie qui s ‘écoule en l’éternité, « parole de vie éternelle ».
C’est la parole que les apôtres ont entendue et que nous recevons de ceux à qui ils l’ont transmise, c’est l’Évangile, la bonne nouvelle, toujours actuelle, que la vie triomphe de la mort, qu’il faut se confier à son incessant renouvellement par Dieu.
La résurrection de Jésus n’a-t’elle pas été pour eux que parole imaginaire ? Non, car ils ont pu l’identifier comme une parole déjà entendue et l’expérimenter comme un choc, comme une aventure toute neuve, une blessure dans leur vie, qui les propulsait sur les routes du monde de la même façon qu’elle les avait arraché jadis à leur familles, à leur métiers, qui retournait leur passé en avenir en les chargeant de la mission dont Jésus se déchargeait sur eux.
Il en va de même pour nous si la résurrection ne demeure pas dans notre esprit à l’état de croyance, mais devient engagement de vie : elle est l’expérience d’une vie autre, de la vie d’un autre en nous. La résurrection de Jésus n’a jamais été exprimée qu’en esprit et il ne pouvait en être autrement. Mais cette présence est éprouvée par le croyant comme un tournant de la vie et elle est appréhendée en l’Église, dans une expérience de communication et de communion : c’est la trace laissée par la résurrection dans l’histoire de chacun et dans celle d’un groupe humain. On croit à la résurrection de Jésus dont témoignent les apôtres quand on ressent et parce qu’on ressent le même choc dont témoigne leur vie et que confirme la foi venue jusqu’à nous et vécue autour de nous.


(Que pourrais-je ajouter ? Vraiment rien de plus ! )

vendredi 10 avril 2015

Crimes de masse - crime contre l'humanité

Le Christ est ressuscité. Il a racheté nos âmes de nos péchés. Nous devrions être dans l’allégresse. Pourtant, jamais l’industrie du crime ne s’est aussi bien portée. Cette industrie du crime est devenue un business comme un autre, qui rapporte beaucoup d’argent, peut être bien plus que l’industrie des vrais services. La troisième guerre mondiale n’a pas éclaté. Elle a seulement infusé tranquillement par la violence diffuse et généralisée partout dans tous les replis de nos sociétés, dans les rapports humains, dans le déni de la réalité et de l’indifférence facile.
Probablement la triste et silencieuse complicité est celle qui nous détourne de cette réalité indéniable dans des éléments de langage qui nous occupent à l’infini, à des abstractions, dans des argumentations stériles, ou à autres prétextes bien pratiques.
Nous nous sommes endormis sur le souvenir utopique d’un passé récent sur une glorieuse histoire de conquête des droits de l’homme, d’une libération des obscurantismes religieux, du partage démocratique de la grande culture. Nous ne parvenons pas à réaliser que nos institutions que nous croyions parvenues à un état de perfection nous ramènent finalement à un état de violence latente ou réelle, et de résurgence barbare dont il conviendrait de minimiser les débordements.
En 2015, beaucoup de chrétiens sont massacrés dans le monde dans l’indifférence feutrée générale et peut être légèrement gênée. Notre pape François ose se lever pour nous rappeler à tous, croyants et athées, que toute doctrine religieuse ou politique est secondaire par rapport à l’urgence de la situation actuelle des chrétiens dans le monde qui est pire qu’aux heures les plus sombres des persécutions perpétrées par l’empire romain. Certaines de nos institutions qui sont si promptes à célébrer la mémoire de nos moments victorieux voudraient passer sous silence ces drames humains au prétexte d’une soi-disant neutralité laïque. Mais les meurtres de juifs, chrétiens ou musulmans, bouddhistes ou d’athées ou agnostiques,  au nom de la religion ou de la politique sont tous aussi scandaleux et insupportables les uns que les autres.
Je prends le métro et me voilà à repenser à nos trains qui transportaient nos compatriotes juifs dans les camps d’extermination dans l’indifférence du malheur de chacun.

Je suis mal à l’aise et j’ai honte de ma lâcheté à la St Pierre qui est complicité tacite avec la barbarie. Je sais que je ne fais pas ce qu’il faudrait faire. Devrais-je boycotter le métro ? Dans ce cas, je risque d’être bien seule ! Devrais-je me dire que de toute façon je ne peux rien contre le déferlement de l’esprit d’avidité criminelle et de folie irresponsable de l’époque dans laquelle je vis. Dois-je me contenter des intentions de prière à la messe du dimanche ? Le Christ nous avait pourtant mis en garde de cette impasse du cœur de pierre depuis si longtemps !

Emylia