mercredi 31 décembre 2014

Pour une belle foi critique en 2015

La fin d’une année, le début de l’année suivante est toujours le moment où l’on fait des bilans. Mais pour le thème de ce site qui nous intéresse, peut-on faire un bilan sur sa foi, sur sa croyance et espérance en Dieu ? Peut-t’ on parler de progrès, de retour en arrière ? D’ailleurs peut-t’on évaluer ces choses là comme on en évalue d’autres dans tous les domaines courants de notre vie ? Je ne suis pas sure qu’une telle évaluation ait le moindre sens. Il y a des périodes de la vie ou la présence obsédante de Dieu est moins prononcée, moins exigeante que dans d’autres moments. Il y a des périodes de foi enflammées et des périodes de foi tranquille à faire peur de tomber dans une routine religieuse. Je crois qu’il faut accepter ces variations qui font partie de l’expérience de la foi. Ces oscillations ne sont-elles pas le signe d’un doute qui s’insinue en douce dans la torpeur de l’habitude ? Au terme de cette année de lectures et d’expériences combinées, je commence à mieux comprendre ce qu’est ce genre de doute. D’après les lectures des livres de Maurice Bellet et de Joseph Moingt, deux éminents théologiens, je crois savoir que ces derniers désignent cette forme doute sous le terme de « la foi critique ». La foi critique ne se cantonne pas à contester pour contester, la véracité des dogmes de l’Église, à rechercher des incohérences historiques. Elle est un processus subjectif inlassable, intellectuel et spirituel, de confrontation de la foi expérimentée avec la réalité de la vie vraiment vécue. J’ai déjà tellement parlé cette année de Maurice Bellet que je vais plus particulièrement évoquer le dernier livre de Joseph Moingt. Joseph Moingt est presque centenaire. Après une œuvre abondante en théologie, cet auteur découvre qu’il doit repenser tous les fondements de sa propre foi, pour bien dissocier ce qu’il pense vraiment croire vraiment, des dogmes de l’église appris, de l’interprétation toujours en évolution des textes religieux fondateurs tels que la bible, les écrits des Pères de l’Église. Il nous livre son questionnement personnel, ses propres doutes qu’il appelle foi critique. Il se remet en question sur sa manière de penser de la foi et des principaux objets de cette foi. Et on peut aller très loin dans la foi critique : Est-ce que ma foi est réelle ? À quoi et en quoi je crois vraiment ? Quel est ce Dieu que l’on ne peut pas connaître complètement ni définir précisément ? Je pense que par une attitude de ne jamais cesser de penser sa propre foi, on la dynamise plus que jamais et on évite de tomber dans une routine religieuse qui endort la foi. Alors que l’un de ses livres antérieurs se titrait « L’homme qui vient de Dieu », son nouveau livre s’intitule « Croire au Dieu qui vient ». Il est vrai que le premier titre correspond bien à l’enseignement dispensé sur la religion chrétienne : l’homme dépend de Dieu. Le titre du second livre me semble parfaitement suggérer la véritable expérience de la foi. Cette expérience de la foi est celle d’un rencontre inattendue entre soi-même et Dieu qui vient à notre rencontre. Initialement (avant une vrai conversion), on ne peut pas savoir que Dieu existe. On a encore moins de raison de penser que l’on vient de Dieu. (J’ai toujours été gênée par « la table rase » du philosophe Descartes qui déconstruit toute la connaissance humaine, pour la rebâtir par la suite de façon cartésienne, tout en se refusant de déconstruire l’idée de Dieu. En ne déconstruisant pas l’idée de Dieu, on ne le cherche pas, on ne s’en étonne pas, et on ne réfléchit plus à son sujet.). Mais quand on croit que Dieu va venir dans notre vie, il faut être dans une veille permanente (comme les jeunes filles et les lampes dans l’un des évangiles.). Et encore une fois qu’il est venu, l’attente n’est jamais terminée. Car la rencontre est appelée à se renouveler en permanence, la relation à évoluer, notre être-spirituel à se transformer. Je pense qu’avec ces deux auteurs perspicaces, nous pouvons nous engager dans ce processus de dynamisation et de vitalisation de la foi. Je vous souhaite une foi critique et vivante pour vous accompagner en cette nouvelle année 2015, mais aussi ne santé et des événements de la vie qui ne vous perturbent le moins possible. À tous mes lecteurs et lectrices, j’offre mes amitiés en Dieu. Que mon amitié continue de vous accompagner en 2015. 

 Emylia

mercredi 24 décembre 2014

Joyeux Noël


Ce soir, je m’apprête à rédiger un article pour Noël. Me voilà toute troublée par les dures paroles du Pape François au sujet des maladies de l’Église. Bien sûr, j’ai évoqué à plusieurs reprises des attitudes inappropriées de certains prélats ou prêtres qui obscurcissent la clarté divine aux yeux de personnes en quête d’une relation vraie et qui troublent encore plus la foi de croyants sincères. Ces mots du Pape François sont imprononçables et même impensables chez tout croyant moyen respectant la volonté de Dieu et du Christ. Seulement le Pape François est spirituellement au dessus de tous les hommes. Lui seul peut se permettre de tenir des propos qu’aurait tenus le Christ face aux pharisiens et aux lévites. Nous voilà ainsi transposés à l’époque du Christ, et même revisitant l’audace des plus grands prophètes qui l’ont précédé historiquement.
Je ne veux pas éluder l’exemple ces hommes et femmes de tout âge qui choisissent dans une conviction inébranlable, de devenir religieux en notre époque de fin des religions, parce qu’il n’est pas envisageable pour eux de prendre une autre route. Ils ont choisi de se consacrer à leur prochain avec bonheur et humilité, sans avoir le moindre sentiment d’un sacrifice personnel, mais au contraire celui de s’accomplir. Grâce à l’Esprit Saint, il existe encore de nos jours des Saints qui n’osent surtout pas se juger comme tel.
Donc en cette époque de Noël, nous pouvons donc croire que le Christ est encore parmi nous. Il ne nous a pas abandonné, en dépit de nos infidélités collectives et individuelles. Il arrive pratiquement inattendu, dans la discrétion la plus extrême, loin du Monde bruyant et inattentif. Il apparaît dans le plus grand dénuement, et une suprême faiblesse, tel un nouveau né qui n’a pas sa place réservée dans une belle demeure bien chauffée et éclairée, ayant pignon sur rue.
Que pouvons nous lui demander aujourd’hui ? De prendre le plus grand soin de son Église, à commencer par son illustre représentant, l’un des Papes très courageux au grand cœur. Le Monde a plus que jamais besoin d’une Église confiante et audacieuse qui ose exiger l’apaisement des appétits exacerbés de pouvoirs et de richesses qui écrasent les populations mondiales sous leur joug. Que notre Église parvienne enfin à établir la paix chez les hommes, en faisant cesser ces multiples guerres stériles, militaires, politiques et économiques qui tuent en masse ou font souffrir en deshumanisant. Que tous les croyants retrouvent l’espérance de la foi pour que le progrès en l’humanité devienne enfin un chemin pour tous nos contemporains.
Et à vous tous, je souhaite que le Christ vous accompagne avec son infinie tendresse et douceur, dans vos joies et vos épreuves ainsi que vous proches et amis. Puissiez vous ressentir sa présence à vos côtés en cette belle nuit de Noël. Joyeux Noël à vous.


Emylia


« Ave Maria » musique du film « Joyeux Noël » (2005)
Composée par Philippe Rombi et interprété par Natalie Dessay




Ave Maria, gratia plena.
Dominus tecum, benedicta tu in mulieribus,
et benedictus fructus ventris tui, Jesus.
Sancta Maria, Mater Dei,
ora pro nobis peccatoribus,
nunc et in hora mortis nostrae.
Amen.

dimanche 21 décembre 2014

La bonté

La bonté ! Quelle qualité étrange de nos jours. Ne serait-elle pas suspecte, motivée par un intérêt caché, peu avouable ? Ne ferait-elle pas une concurrence déloyale et illégale à quelques services marchands ?
Notre république a inventé la charité démocratique forcée. Cette charité démocratique forcée s’appelle impôts, cotisations sociales redistribution. Cette charité démocratique est une sorte de pacte social, un devoir auquel tout citoyen doit se soumettre pour l’intérêt commun. Cette charité a été reconnue d’utilité publique en son temps comme une nécessité pour la cohésion de notre société laïque, démocratique et républicaine. Je pense particulièrement à cette époque pas si lointaine, au sortir d’une sinistre période où sous l’égide du conseil national de la résistance en 1944, les idées les plus généreuses de partage ont été votées, en dehors de tout cadre religieux d’ailleurs.
Aujourd’hui, parce que nous vivons une grave crise économique sans précédent, nous devrions remettre en cause notre modèle redistributif, ne plus supporter de payer des impôts qui payent l’école aux enfants des autres, refuser de payer des cotisations sociales qui permettent aux malades de se soigner ? L’adjectif  «public» est en train de devenir une hérésie, qu’il faudrait remplacer par le mot « privé».
Certains mouvements essayent d’inculquer l’idée que l’attitude humaine normale et naturelle est l’égoïsme. Le monde des hommes, comme celui la nature est impitoyable, au sein duquel doivent régner les lois de la sélection naturelle.
Où réside le véritable progrès de l’humanité : dans l’égoïsme ou dans la solidarité (passive ou active) ?
Si nous avions la possibilité de voter explicitement, entre égoïsme ou solidarité, par référendum, je ne suis pas convaincue que l’égoïsme l’emporterait. Nous n’avons pas perdu la mémoire de qui nous sommes. Nous n’avons pas oublié que nous sommes les héritiers d’une longue histoire solidaire qui a pris ses fondements dans la révolution française. Elle même est née d’un humanisme culturel qui avait ses racines dans plus d’un millénaire de christianisme aux valeurs évangéliques.
J’aime entendre l’Église, le pape, rappeler aux puissants et autres princes de ce monde que tout n’est pas permis en matière d’égoïsme.
L’Église n’est pas seulement cette institution de pouvoir religieux à l’organisation hiérarchique tentaculaire. Elle est une communauté chrétienne religieuse et laïque qui croit que la société humaine n’est pas durable sans un minimum de valeurs évangéliques de bienveillance et de partage.
Je vais raconter une histoire que l’on m’a rapportée.
C’est l’histoire d’une religieuse qui ne vit pas dans un monastère. Elle s’est installée dans un territoire abandonné par la république et les services publics, privés et aussi de l’Église. Ce territoire s’est vidé de sa jeunesse désœuvrée. Il ne restait plus que les personnes âgées abandonnées par tous. La religieuse ne possédait rien, si ce n’est qu’une voiture qui lui permettait de maintenir un lien de vie. Elle apportait les médicaments aux vieux, pratiquait gratuitement des soins indispensables d’infirmière. Elle s’occupait de la toilette des indigents matin et soir. Elle était toujours prête à rendre service et à se dévouer sans compter, ses jours et ses nuits.
Ces gens n’étaient pas forcément des croyants ; ils étaient même plutôt athées. Comment auraient-ils pu pratiquer une religion sans messes, sans eucharistie ? Cependant ces pauvres gens n’avaient pas besoin de discours de slogans pour percevoir une réalité christique.
Mais la vraie foi n’est-elle pas de croire que la bonté gratuite est non seulement possible mais bien réelle ?
« Car le premier lieu de cet humain, c’est bien cette communion, dont l’immensité, l’heureuse démesure se montre en ce qui est le plus simple et le plus concret : le voir, l’entendre, le toucher ; engendrer, nourrir, soigner, écouter, parler. Accueil premier que rien ne peut détruire. Cela dépasse la bienveillance et la compassion. C’est cet Amour là que l’on ne peut cesser de louer, de répéter – de vivre comme ce qui fait le sel de l’existence, le souffle, la primitive et indestructible gaité. C’est bien plus que le sens de la vie. C’est la vie elle même.
C’est croire en l’homme. Vraiment : la foi, avec ce qu’elle a de fragile en nous et d’indestructible en elle même. Mais ce n’est pas une croyance ou une thèse : c’est la présence aimante où chaque humain pourra gouter qu’il est reçu, avant et au delà de tout, ayant cette place unique qui est lui-même. » (Maurice Bellet, L’explosion de la religion, 2014).

Emylia

   

mercredi 17 décembre 2014

Noël en deuil

C’est bientôt Noël. Voilà plusieurs semaines que je me prépare et je me réjouis de pouvoir « récompenser » mes enfants, de nous réunir en famille autour de repas festifs. Allez, il ne reste plus qu’une semaine. On y est presque ! Nous méritons tous  de faire la fête. Mais tout de même il n’y a pas nécessaire de le mériter pour fêter Noël.
Au travail, on se félicite de l’année passée. On prépare les cartes de vœux. On enchaine des pots et cocktails pour se féliciter de nos succès respectifs. Puis vendredi dernier, on apprend en pleine réunion (de direction), qu’un collègue s’est suicidé à son domicile. Nous sommes tous abasourdis.
Ce collègue, j’ai dû le croiser mais je ne le connaissais pas personnellement. Il appartenait à un autre service que le mien. Il paraît qu’il était notoirement connu pour être stressé. Je tente de consulter l’annuaire interne sur le web. Sa photo n’y est pas. Ce serait pourtant si important que je connaisse son visage car il ne peut pas demeurer pour moi une personne anonyme, seulement un nom sur un organigramme hiérarchique que je vais oublier avec le temps.
Le danger du burn-out j’y pense tout le temps, pour moi-même et mes collègues proches qui sont sous ma responsabilité. Maintenant, le soir, je m’efforce de décrocher systématiquement alors qu’avant je poursuivais mon travail. J’évite de lire systématiquement mon courrier électronique et encore moins de répondre, sauf exception. Il faut être vigilant et éviter de se laisser piéger dans une surenchère au travail. La méditation, la musique sont de bons échappatoires auxquels je souscris pleinement. Il faut toujours établir un compromis entre une activité utile et une activité vitale (que certains qualifieraient d’inutile). Quel trouble, quelle culpabilité ressentirais-je si l’un de mes proches collègues disjonctait ? Parents de jeunes enfants, ou bien jeunes au statut précaire ?
Et on ne peut pas considérer que moi-même j’impose des contraintes insurmontables aux autres. Elles me sont imposées aussi à moi-même. Je suis aussi une courroie de transmission de la pression, non consentante.
Comment en est-t’on arrivé là, dans le milieu de la recherche scientifique française ? Comment la connaissance pour le bien de l’humanité peut t’elle s’accommoder du sacrifice de vies humaines ? On nom de quelle efficacité, rentabilité, productivité, la recherche doit-elle se soumettre. Où est donc ce privilège d’être fonctionnaire si ce n’est que pour se livre comme tous, à une course effrénée vers une excellence utopique, une concurrence généralisée organisée entre les personnes qui épuise les esprits et les corps par son absurdité. Car il faut reconnaître que le moteur de tout cela, c’est bien l’argent distillé au compte goutte pour que les chercheurs, tous en concurrence les uns avec les autres (en meute affamée), puissent justifier de leur travail. Alors, pour pouvoir travailler, on accepte toutes les conditions. Même celles qui sont impossible à tenir.
Le système s’accommode avec les accidents parmi les succès considérés naturellement comme de simples pertes et profits. Alors quand ça casse, le système colmate les brèches. On dépêche une cellule d’aide psychologique.
Mais peut être qu’il n’y a pas seulement une solution psychologique. J’en suis convaincue que le deuil ne se surmonte pas seulement par des solutions psychologiques mais par du spirituel. Certes, il faut parler, exprimer sa douleur, ses angoisses, ses colères. Il faut aussi laisser s’exprimer une parole intérieure qui prend acte de nos limites, faiblesses et détresses.
Le suicide en raison du travail est certainement une plaie de notre époque. Je n’ai jamais lu de cas de suicide à cause du travail dans la bible.

Ecclésiaste Chap 5
De plus, toute sa vie il mange dans les ténèbres, et il a beaucoup de chagrin, de maux et d'irritation. Voici ce que j'ai vu: c'est pour l'homme une chose bonne et belle de manger et de boire, et de jouir du bien-être au milieu de tout le travail qu'il fait sous le soleil, pendant le nombre des jours de vie que Dieu lui a donnés; car c'est là sa part. Mais, si Dieu a donné à un homme des richesses et des biens, s'il l'a rendu maître d'en manger, d'en prendre sa part, et de se réjouir au milieu de son travail, c'est là un don de Dieu.…

Que dire alors du travail qui tue ? Ce n’est pas une exigence de Dieu que l’homme se tue au travail. Ca vient de l’homme lui-même.

Emylia