samedi 25 octobre 2014

Notre Église est l’Église des saints

Entre la lecture des deux livres récemment publiés par Maurice Bellet, celui de « Notre la Foi en l’homme » et le second que je viens à peine de commencer sur « l’explosion de la religion » et dont je trouve le début exceptionnel, j’aime à me promener à mon rythme dans ce grand livre « des voix de la Foi » de François Huguenin. J’y vagabonde déjà depuis plusieurs années. Ces dernier temps je voyage en compagnie des chrétiens du début du XX siècle, avec Péguy, Claudel,…
Cette semaine je me suis arrêtée sur un extrait de Georges Bernanos dans « Jeanne relapse et sainte ». J’y prélève quelques phrases choc qui me font beaucoup de bien.

Emylia

« Car l’heure des saints vient toujours. Notre Église est l’Église des saints. […] Qui ne voudrait avoir la force de courir cette admirable aventure ? Car la sainteté est une aventure. Elle est même la seule aventure.[…] Mais qui se met en peine des saints ? On voudrait qu’ils fussent des vieillards pleins d’expérience et de politique, et la plupart sont des enfants. Or l’enfance est seule contre tous.[…]. Dieu n’a pas fait l’Église pour la prospérité des saints, mais pour qu’elle transmit leur mémoire, pour que ne fut pas perdu, avec le divin miracle, un torrent d’honneur et de poésie. Qu’une autre église montre ses saints. La notre est l’Église des saints.[…] Ils vécurent, ils souffrirent comme nous. Ils furent tentés comme nous. Ils eurent leur pleine charge et plus d’un, sans la lâcher, se coucha dessous pour mourir. […] Qui voudrait perdre sa vie à ruminer le problème du mal, plutôt que de se jeter en avant ? Qui refusera de libérer la terre ? Notre Église est l’Église des saints. Tout ce grand appareil de sagesse, de force, de souple discipline, de magnificence et de majesté n’est rien de lui-même, si la charité ne l’anime. Mais la médiocrité n’y cherche qu’une assurance solide contre les risques du divin. Aucun rite ne dispense d’aimer. Nulle part ailleurs on ne voudrait imaginer seulement une telle aventure, et si humaine d’une petite héroïne qui passe un jour tranquillement du bûcher de l’inquisiteur en Paradis, au nez de cent cinquante théologiens. […] Notre Église est l’Église des saints. Nous respectons les services d’intendance, la prévôté, les majors et les cartographes, mais notre cœur est avec les gens de l’avant, notre cœur est avec ceux qui se font tuer.

Nul d’entre nous portant sa charge, - patrie, métier, famille,- avec nos pauvres visages creusés par l’angoisse nos mains dures, l’énorme ennui de la vie quotidienne, du pain chaque jour à défendre, et l’honneur de nos maisons, nul d’entre nous n’aura jamais assez de théologie pour devenir seulement chanoine. Mais nous en savons assez pour devenir des saints. Que d’autres administrent en paix le royaume de Dieu ! Nous avons déjà trop à faire d’arracher chaque heure du jour, une par une, à grand peine, chaque heure de l’interminable jour, jusqu’à l’heure attendue, l’heure unique où Dieu daignera souffler sur sa créature exténuée.[…] Depuis que Dieu lui-même nous visita, est-il rien en ce monde que nos saints n’aient dû reprendre, est-il rien qu’ils ne puissent donner ? »

mercredi 22 octobre 2014

La foi en l'homme

Voilà, je viens d’achever le dernier livre de Maurice Bellet. Toujours aussi percutant. Mais cette fois ci très court. Tout au long de la lecture, il me semblait que je saisissais ce que voulais dire l’auteur, bien que les phrases et les mots pris analytiquement semblaient échapper au sens que j’essayais de leur attribuer. Il est très difficile de faire une analyse de texte de Maurice Bellet. Aussi, si je voulais résumer précisément le contenu de ce livre, j’aurais quelques difficultés à être précisément fidèle. Mais tant pis, je m’y risque. Mon lecteur saura peut être percevoir au delà de la maladresse de mes expressions, le sens de cette parole qui me dépasse.
Il y est question de la foi en l’homme à laquelle les événements que nous vivons rendent cette croyance bien difficile à tenir, voire utopique ou naïve. Mais en persévérant à s’y tenir, en dépit des apparences de cette source noire manifeste de la violence qui engloutit tout, même ceux qui voudraient y résister, alors peut être que se produit une rencontre inattendue qui permet de résister au pessimisme ambiant auquel il est difficile de ne pas communier. Cette étrange rencontre se produit sur un chemin de traverse qui débouche sur cette prodigieuse naissance d’humanité en soi. Cette attitude héroïque est bien fragile face aux forces de destruction qui peuvent la balayer d’un revers de main. Mais c’est précisément parce qu’une autre source de vie jaillit au cœur de l’humain demeuré hors de toute contamination de la destruction et de la mort, que la métamorphose de l’homme devient possible. De cette métamorphose paraît cet amour inconditionnel pour le prochain, y compris aux malheureux qui sont pris dans les mailles du filet de la destruction. Comment se peut t’il que l’homme dépasse ses propres faiblesses pour défier avec conviction et puissance de vie, les forces de la mort ? Le mystère est bien là. Autant changer l’homme en se changeant soi-même.

« Seul l’homme est garant de l’homme, dans la dimension que nous avons dite. La foi en l’homme ne se résigne jamais, et il est toujours possible d’agir. »

Emylia

samedi 18 octobre 2014

Le logos

On le sait bien, l’homme est un animal qui parle. Cette capacité en fait un être unique très différent de l’ensemble des espèces animales. Peut être même que le langage définit l’homme. Il n’y a d’ailleurs pas si longtemps que l’homme parle, en comparaison de l’échelle du temps de l’évolution des espèces.
Les animaux pratiquent entre eux des  moyens de communication rudimentaires. Si nous êtres humains ne nous parlions pas, alors notre intelligence serait fortement limitée.
Nos ancêtres ont été fascinés par le langage. Probablement pour cette raison, ils ont inventé l’écriture. S’il y a un peuple qui tenait en admiration le langage, ce fut le peuple grec, avec au paroxysme de cette conscience, l’invention et la reconnaissance de l’illustre métier de philosophe.
Chez les grecs, le « Logos », donnait une raison de vivre. Il éclairait la vie. Ils pressentaient que « Logos » extirpait l’homme du néant.
Je trouve incroyable que les hommes qui ont compris le rôle de sauveur de Jésus-Christ aient désigné ce dernier sous le terme de « Logos » ou de « Verbe » ou de façon équivalente de « Parole », par analogie avec ce qui sauve du néant.
Les hommes qui ont écrit les Évangiles étaient soit juifs, soit grecs. Plusieurs décennies après la crucifixion-résurrection, le monde du Proche-Orient a dû beaucoup changer. Avec l’effondrement de la société juive (destruction du temple de Jérusalem et la shoah), la plupart des témoins des temps du Messie et des apôtres, ont été immergés dans la culture grecque qui gagnait en influence croissante  tout le pourtour méditerranéen. Les Évangélistes qui ont écrit en grec, ont exprimé ce qu’ils avaient vécu en empruntant des mots et concepts grecs étrangers au judaïsme.
Je pense particulièrement à Jean, peut-être le disciple que Jésus aimait, simple pêcheur galiléen, sans grande éducation au cours de sa jeunesse. Ensuite, quel chemin culturel parcouru inimaginable avant de pouvoir retracer son expérience avec une pensée ayant une conscience et une compréhension profonde des événements présentés avec un recul conceptuel prodigieux par rapport aux faits vécus.
Comment a t’il pu associer le souvenir d’une personne vivante avec un concept philosophique essentiel de la culture qui raconte cette histoire.
Ce prologue de l’Évangile de Jean n’en finit pas de me fasciner, comme pour bien d’autres personnes. Bien sûr Jean devais connaître la Genèse dans laquelle la Parole divine crée le monde : « Dieu dit que cela soit, et cela fut... ». Dans l’ancien testament, la Parole est un acte créateur et avant tout divin. Par contre Jean ne pouvait qu’ignorer l’évolution des espèces et le rôle essentiel du langage pour extirper l’humain de son animalité.
Encore faut-il distinguer différentes natures de langage avec d’une part le véritable Logos qui apporte l’élan de vie,  et d’autre part de la Logorrhée qui est un discours envahissant de bruit et de tumulte qui est vide de sens. La Logorrhée étouffe le silence duquel peut émerger la voix du Verbe (un peu comme un télé ou une radio déverse en permanence des discours inaudibles en empêchant toute relation entre personnes de s’établir par un échange verbal direct).

C’est le rôle de la prière que de respecter le silence pour que le vrai et seul Logos devienne audible.

Emylia

mercredi 15 octobre 2014

Un autre monde est possible !

La parole infuse lentement, parfois comme le thé, ou plutôt comme un grain de sénevé qui germe. Cette parole peut passer au travers de tout être humain. C’est le cas pour ces religieuses de l’abbaye de Bonneval qui ont osé s’exprimer ouvertement à leur prochain dans le documentaire « Le temps de quelques jours ». Moi aussi, j’ai eu besoin de laisser infuser lentement la parole des sœurs. Pourquoi n’auraient elles pas pris la parole ? Ne sont elles pas les mieux placées pour témoigner de leur vocation ? Nous-autres laïcs, ne sommes nous pas des assoiffés d’une vraie parole qui libère ? Laissons nous accueillir leur don.
La première phrase du film est donnée par de la mère supérieure au sujet de son engagement : j’avais 21 ans et j’ai  pris conscience que déjà à l’époque, je posais un acte foncièrement contestataire.
Nous voilà plongé au cœur de la question de la foi : une contestation du monde humain tel qu’il est qui ne ressemble en rien au royaume attendu. Autre phrase choc du maitre chocolatier « croire que la société de consommation est notre avenir est plus absurde que de croire en l’existence de Dieu ». Ou encore sœur Anne-Claire, ancienne ingénieur, « tous ces biens de consommation, j’en ai suffisamment profité pour me rendre compte que ce n’est pas ce qui va me rendre heureuse ». Ou bien encore sœur Aleksandra « je me suis lassée, je cherchais quelque chose de plus vrai, quelque chose de plus essentiel ». Et pour terminer, sœur Claire, 84 ans, « c’est la liberté complète ici, je ne suis pas esclave des affaires du monde ».

En dépit du sérieux du sujet, le rire des sœurs apaise. Elles ne semblent pas écrasée par la stricte observance. Après le film, au cours du débat, les spectateurs expriment leur respect, parfois leur admiration et aussi leur gratitude à l’égard de ces témoignages et de ces confidences ouvertes. Il me vient à l’esprit que tous ces nombreuses personnes qui écoutent aussi religieusement les sœurs, ne sont-elles pas en train de poser aussi un acte contestataire ?

Emylia

samedi 11 octobre 2014

Le temps de quelques jours

Hier soir, je suis allée voir au cinéma le film documentaire intitulé « le temps de quelques jours » sur les moniales cisterciennes de la stricte observance, de l’abbaye Notre Dame de Bonneval dans l’Aveyron. Je pensais que ce sujet resterait assez confidentiel. Je me trompais totalement car la grande salle de cinéma était comble. Le réalisateur Nicolas Gayraud était présent dans la salle et il a expliqué aux spectateurs le vécu de son tournage et les choix de montage qu’il avait opéré.
Il faut savoir que ce genre de film est exceptionnel. Il ne s’agissait pas d’un reportage sur la vie monacale, mais un portrait de femmes ayant choisi d’embrasser la vie monastique.
Il régnait un grand apaisement dans cette abbaye qui semblait complètement déconnectée de l’agitation du monde extérieur et du rythme du temps. Pourtant les sœurs contemplatives travaillaient  à produire du chocolat avec l’aide d’un maitre chocolatier. Le travail dans un monastère obéit à des règles absolument contraires aux lois économiques qui règnent à l’extérieur. Pour le chocolatier, il lui fallait retrouver une nouvelle façon de travailler en acceptant de ne pas s’infliger la pression de l’efficacité et de la productivité. Le rapport au temps doit être respecté. Le travail monastique est essentiel pour atteindre un certain niveau de méditation et de contemplation.
Pour la première fois, des religieuses se sont livrées volontairement à la caméra pour exprimer les raisons qui les avaient amenées à quitter la vie laïque, et expliquer leurs préoccupations philosophiques et spirituelles de leur vie intérieure et ainsi que leur quête de la vérité dans leur vie de foi monastique. Point d'évangélisation. Le mot de Dieu n’a jamais été prononcé explicitement, cependant sa présence dans la nature environnante et la sobriété des décors de l’abbaye se devine facilement.
Sur le moment, je ne saurais pas dire si le film m’a plu ou non, car là n’est pas la question. Il s’agissait d'abord d’écouter la parole de ces sœurs, de comprendre que leur renoncement à la vie active ne signifiait pas la paix de l’âme mais qu’au contraire elles poursuivaient une quête intérieure permanente de recherche de pauvreté et de dépouillement de l’avoir et du temps pour trouver le bonheur de l’essentiel, plus d’être dans la vie et aussi plus d’amour altruiste.

Après la séance il m’est venu à l’esprit que j’avais là la preuve qu’un autre modèle de vie que le notre est possible. Le renoncement à plus de croissance, plus de consommation est envisageable sans que ce soit la fin de l’humanité. Ce nouveau paradigme contestataire passe par de petites communautés capables de vivre en autarcie en renonçant à la course au temps et à la richesse. Je crois que les moines et moniales préservent depuis plus de 1500 ans le secret de la survie de l’humanité confrontée aux limites des ressources de notre planète.

Emylia