samedi 31 mai 2014

L’impouvoir

Allez, venez, nous allons changer le monde ! Nous allons voter. Nous allons défiler, nous allons protester, nous allons polémiquer. Nous allons écrire des pamphlets. Nous allons lutter, nous allons nous battre pour faire advenir un autre monde. Nous allons prendre le pouvoir.

Belle communion au changement. Mais si vous relisez votre histoire, ou même relisez la bible, vous réaliserez que nos aïeux et nos prédécesseurs on cru de tout temps qu’ils avaient la capacité de renverser  les pouvoirs et d’en instaurer d’autres.
Belle illusion, et c’est le piège des utopies et des fausses espérances qui se répète en boucle et qui se referme sur soi, piège qui engloutit des vies entières. Prendre le pouvoir (ou les pouvoirs) par la force est une erreur qui se perpétue à l’infini.

En effet, combattre de cette façon là, c’est utiliser les mêmes armes de la violence pure ou absolue pour détruire ses adversaires : c’est eux ou c’est nous. Il n’y a pas moyen de s’en préserver qu’en renonçant à agir de manière semblable aux adversaires. Le proverbe « Œil pour œil, dent pour dent » ne marche pas. (Mais au fait qui c’est eux ou nous ? Il n’y a qu’une seule humanité empêtrée dans sa condition et qui essaye de s’en relever selon des succès très divers. Pourtant elle n’en finit jamais de se subdiviser, et de toujours briser le corps du christ en petits morceaux).

Alors il y a le Christ et ses évangiles, avec ses béatitudes. Soyez très subtils. Croyez à la puissance de la faiblesse. N’employez jamais les mêmes méthodes que vos adversaires au risque de vous compromettre. Il y a d’autres moyens de défaire les puissances établies, trop sûres d’elles-mêmes et qui sont de véritables colosses d’argile. À votre échelle de vie vous n’y percevez rien. Mais à l’échelle de la longue marche de l’humanité de sa naissance depuis les ténèbres jusqu’à la lumière de l’aube, le progrès humain est inexorable, conduit par l’espérance et l’Esprit Saint.

Pour le pouvoir, il n’y a rien de plus subversif que la non-violence qui ne craint ni la force ni la mort. Quelques trop rares sages du XXème siècle, chrétiens ou non, l’ont bien compris. Ils ont fait tomber des murs de ghettos qui rappellent les murs de Jéricho. Avec la crucifixion puis la résurrection du Christ, les successeurs des apôtres ont induit l’effondrement du grand empire romain qui s’est dissous dans le Christianisme au III siècle.

Vertige du pouvoir ! Les tentations au désert. Le Christ a saisi les pièges du démon. Le royaume des cieux ne peut être de ce monde. Jean 6.15 "Et Jésus, sachant qu'ils allaient venir l'enlever pour le faire roi, se retira de nouveau sur la montagne, lui seul."

La seule solution ? Renoncer à la prise du pouvoir par la force et que chacun soit heureux en transformant son cœur selon les préceptes des béatitudes. Alors Dieu fera de nouveau sombrer les murailles. Le mur de Berlin est tombé. Sodome et Gomorrhe ont été détruits. D’autres murs vont devoir tomber prochainement, non pas aux frontières extérieures, mais au cœur du lieu de notre vie quotidienne.

Après, que l’église se corrompe au contact des pouvoirs établis au fil des siècles est du déjà vu. Déjà vu avec les lévites les pharisiens et les sadducéens du temple de Jérusalem. C’est le jeu éternel du mal contre le bien. Mais n’allez pas croire que le mal finit toujours par l’emporter. Tout est question de temps et de rapport à l’éternité.

Mais n’oubliez pas qu’aucun pouvoir humain n’arrivera jamais à figer l’histoire de l’humanité dans l’immobilisme (on a parlé de la fin de l’histoire ces derniers temps), dans l’autogestion programmée en aveugle par une main invisible (la main de l’économie selon Adams Smith, la suprématie des marchés désincarnés de nos jours) autre que celle de Dieu. Le royaume de Dieu n’adviendra jamais dans les affaires temporelles et terrestres. Le royaume des cieux ne peut s’établir que dans les cœurs humains bien incarnés dans une chair vivante.



Emylia


mercredi 28 mai 2014

Béatitudes

Nous vieillissons ! Non nous prenons de l’âge ! C’est une bonne nouvelle, c’est une grâce. Ce n’est pas donné à tout le monde. Certains doivent rendre leur vie bien trop tôt avant de l’avoir vécu suffisamment longtemps. C’est le mystère de Dieu que nous ne pourrons jamais pénétrer de notre vivant. Donc, nous avons acquis des connaissances, de l’expérience dans beaucoup de domaines et nous espérons aussi avoir grandi en sagesse. Bien sûr le corps décline depuis nos vingt ans. Mais qu’importe que l’homme extérieur vieillisse si le nouvel homme intérieur est né et s’épanouit. Oui car il ne faudrait pas arriver à ce stade de la vie en ayant bloqué notre homme intérieur au stade infantile, en se dissimulant à soi même les outrages du temps sur notre enveloppe corporelle extérieure. Il faut bien se mettre dans la tête que cette vie là n’est pas éternelle. Cette attitude lucide nous évite de commettre bien des erreurs irréparables. Et s’y préparer le plus tôt possible est sagesse. Car je ne suis pas de ceux qui s’imaginent qu’il suffit d’accepter les derniers sacrements pour effacer tout son casier spirituel et moral (ou karma). Ce serait bien trop facile ! Et d’ailleurs, la bible, ancien comme nouveau testament, n’est pas simple à interpréter. L’expérience et le discernement qui s’acquièrent peu à peu avec le temps aident progressivement à y voir clair. J'ai le sentiment qu'il y a une grande richesse du côté des écritures, à le pas laisser filer par ignorance.

Quand il nous semble enfin être capable d’appréhender les subtilités des saintes écritures, il nous reste à choisir quel genre « d’Heureux » nous voulons être, selon les béatitudes dans Matthieu, 3-12.

3 Heureux les pauvres en esprit,  car le Royaume des Cieux est à eux.
4 Heureux les doux, car ils recevront la terre en héritage.
5 Heureux les affligés,  car ils seront consolés.
6 Heureux les affamés et assoiffés de la justice, car ils seront rassasiés.
7 Heureux les miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde.
8 Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
9 Heureux les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu.
10 Heureux les persécutés pour la justice, car le Royaume des Cieux est à eux.
11 Heureux êtes-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute et si l'on vous calomnie de toutes manières à cause de moi.
12 Soyez dans la joie et l'allégresse, car votre récompense sera grande dans les cieux.


Il nous appartient aussi à chacun de faire le choix décisif de notre engagement chrétien quand la providence nous en laisse la possibilité et la liberté. Ci-dessus sont énoncées par Jésus-Christ les onze propositions de marche vers la sainteté. Souscrire aux onze d’un seul coup est réservé aux plus grands des super-Saints. Mais pour nous autres, les petits saints très ordinaires, sans prétention exceptionnelle, sur quelle proposition particulière décidons nous de nous engager. Évidemment le genre de notre sainteté dépend de notre tempérament. Et la diversité des tempéraments fait la richesse et la spécificité humaine (heureusement que nous ne sommes pas des clones).

Heureux en esprit ? Signifie de renoncer à l’esprit du monde, celui de se fondre dans une course illusoire au pouvoir, à la gloire et à la richesse en se livrant aux compromissions morales. L’heureux en esprit a renoncé à ce genre de lutte. L’heureux en esprit a choisi de demeurer petit, invisible, dans le monde, avec simplicité.

Heureux en douceur ? Celui là renonce à la colère. Il renonce à l’affirmation trop forte de soi, de crainte de ne blesser son prochain d’une colère qui pourrait l’atteindre. Cependant renoncer à la colère ne signifie pas renoncer à l’indignation. Il y a bien des choses intolérables dans ce monde.

Heureux les affligés ?  Celui qui est plongé dans le malheur et qui malgré son affliction persévère dans la vie. Il fait l’honneur de la grandeur humaine qui accepte son humble condition sans se révolter de son sort, sans porter rancune aux autres et à Dieu.

Heureux les affamés et assoiffés de la justice ? Cela suppose de prendre acte de l’inexistence de véritable justice dans le monde, de ne jamais l’oublier sans s’en désespérer. La phrase ne dit pas s’il faut œuvrer pour apporter la justice en ce monde ? Probablement l’action purement humaine ne suffit pas. Il faut faire confiance en Dieu pour l’avènement du royaume sur terre en lui offrant notre concours.

Heureux les miséricordieux ! Considérer que son prochain quel qu’il soit, mérite l’essentiel de notre  attention affective, après Dieu au delà de toute autre considération secondaire.

Heureux les cœurs purs ? Ceux qui se sont dépris de tout intérêt personnel et qui agissent ou prient sans en attendre la moindre réciprocité ou avantage en ce monde ou l’autre. Simplement faire confiance qu’ils ont fait le bon choix quoi qu’il leur en coûte.

Heureux les artisans de paix ? Œuvrer quoi qu’il arrive pour apporter la paix, en acceptant tous les risques et conséquences pour soi-même. Car la paix heurte bien des intérêts et appétits contraires.

Heureux les persécutés pour la justice ! Oser affirmer l’égalité entre les hommes contre toute évidence, résister à l’écrasement des plus faibles en refusant de se taire, est une attitude subversive très risquée dans un monde fondé sur la hiérarchie entre les humains avec les plus forts au sommet de la domination, les adhérents complices aux échelons intermédiaires  et les plus faibles au plus bas de l’organisation ou même en marge.

Heureux êtes-vous si l'on vous insulte ! Voilà une façon imparable pour apprendre à cultiver son humilité.

Ces définitions que je viens d’énoncer me sont personnelles. Elles correspondent à mon interprétation des évangiles. Vous pourriez les comprendre d’une autre manière. Ce serait pour vous l'occasion d’exprimer votre propre point de vue qui ne coincide pas forcément avec le mien !
À quelles béatitudes souscrivez vous préférentiellement ?
Toutes me conviennent intégralement, certaines avec une pratique quotidienne et les autres heureusement utilisées dans des circonstances exceptionnelles. J’aurais du mal à les hiérarchiser. Elles sont toutes importantes.

En tout cas, je n’y vois point là obéissance contraignante et obligatoire à la loi, mais des propositions justes et réalistes d’un vrai bonheur possible.

Emylia

samedi 24 mai 2014

Violence absolue

N’y voyez pas une attirance ou une obsession morbide pour le thème de la violence. Il faut malheureusement que j’y travaille encore et encore. On n’y échappe difficilement, même en vivant dans notre société laïque et démocratique. Tôt ou tard, il arrive qu’on y soit confronté, malgré tout un arsenal éducatif, préventif, sécuritaire, répressif et législatif sensé  nous en préserver.
Cette semaine, le lycée catholique de mon fils a été le théâtre d’une explosion de violence incompréhensible, gratuite et intolérable bien trop fréquente de nos jours. Pendant le cours de sport, un lycéen a frappé spontanément sans motifs une lycéenne qui ne s’est même pas défendue. Il a fallu que cinq autres lycéens maitrisent l’agresseur pour stopper le massacre qui continuait sur la victime sans défense, tombée à terre.
J’ai déjà consacré un article sur le mal. Je reviens sur le thème de la violence parce que j’ai éprouvé la nécessité de relire pour au moins la quatrième fois le livre de Maurice Bellet, « Je ne suis pas venu apporter la paix, essai sur la violence absolue » (la meilleure analyse sur la nature de la violence contemporaine dans nos démocraties blasées).
Certes nous connaissons bien la violence pure, celle des totalitarismes (cf Hannah Arendt), qui déverse du haut vers le bas, à tous les échelons sociaux, la haine et la barbarie avec la volonté féroce de détruire les victimes et leur dignité humaine.
Je ne vous cache pas que bien souvent je me suis demandée ce que j’aurais fait pendant la seconde guerre mondiale ? Je ne pense pas que je serais devenue spontanément une collaboratrice. Mais qu’aurais-je fait si des enfants juifs m’avaient demandé de les cacher ? Je ne m’imagine pas une seconde que je les aurais dénoncés. Mais aurais-je accepté de prendre des risques pour moi, et surtout pour ma famille ? Je pense que la réponse à cette question dépend du degré de maturité de conscience morale et spirituelle. Aujourd’hui, connaissant ma foi chrétienne, je pense que j’aurais accepté de prendre des risques en les cachant. Mais avant d’éprouver la foi, je ne sais pas si ma conscience morale aurait pu résister à la peur.
Revenons à notre société contemporaine qui n’a pas connu de guerre en métropole depuis presque depuis bientôt 70 ans. Est-ce pour autant la paix civile ?
Faisons le constat avec Maurice Bellet que la violence pure s’est transmutée comme un virus en une violence diffuse invisible mais prégnante dans toutes les relations humaines. Cette forme de violence cachée, il l'appelle la violence absolue. Elle est invisible car nous n’en voyons pas la source, contrairement au cas du totalitarisme où la source est évidente. Nous nous sommes habitués aux rapports de force dans les milieux du travail, dans les associations, à l’école jusque dans les familles. N’est-ce pas notre économie financiarisée devenue folle de puissances et de conquêtes, qui exige la libération compulsive de toutes les envies et désirs exacerbés. Et les fonctionnements et procédures issues du système sont figées en de nouvelles idoles intouchables plus sacrées que l’être humain et la vie.
Et comment se garder soi-même de communier inconsciemment individuellement et collectivement et à cette violence diffuse et invisible. Comment sauver son humanité et son âme en refusant de se laisser détruire par soi même. Comment se dépêtrer de ce piège sournois de la violence absolue généralisée invisible ?

Il faut en sortir de cette désespérance dépressive. Mais comment ? La solution est dans le livre. Je ne vous cache pas qu’elle a un rapport avec la figure du Christ qui illumine la vie. Bien sûr un autre système est possible que celui qu'on nous propose. Il s'appelle le royaume de Dieu. J’y reviendrai prochainement.

Emylia

jeudi 22 mai 2014

Commentaire sur l’Ornithorynque

Je reprends ici mon commentaire à l'article sur l’Ornithorynque de Christiane Rancé sur son blog. Le thème est le suivant : Comment ne pas croire devant l'émerveillement que suscite la nature ?

Chère Christiane,

Moi aussi, je suis fascinée par les prouesses de la nature depuis toujours. Ma curiosité insatiable m’a conduite à étudier professionnellement les mystères de la matière et du cosmos. J’ai toujours été fascinée de voir à quel point la nature se laissait décrire par le langage des mathématiques, production unique de l’intelligence humaine. Si nous sommes parvenus à la décrire de façon appropriée, pourtant la vérité ultime se dérobe toujours devant notre accumulation de connaissances scientifiques expérimentales. Pour ne citer que le monde inerte, de l’infiniment petit, à l’infiniment grand, de l’infiniment harmonieux à l’infiniment chaotique, j’éprouve un grand vertige « pascalien » devant ces 95% de substance invisible (70% d’énergie noire et 25% de matière noire) pour seulement 5% de la substance de la matière ordinaire visible dont notre chair est constituée, qui emplissent tout notre univers. Mais le plus étonnant, c’est que sur un petit caillou mouillé de l’univers, notre chère Terre, la vie ait pris naissance dans un environnement hostile, il y a entre 1 à 2 milliards d’années. Le foisonnement de toutes formes de vie à la recherche de la complexité et de la perfection est encore plus étonnant. Et n’oublions pas aussi la genèse de la conscience de soi, de l’intelligence et de l’amour en cet être exceptionnel qu’est l’être humain.

Comment croire que seul le hasard aurait pu produire notre monde étrange ? Comment ne pas croire qu’un éventuel créateur serait aux commandes de cette mystérieuse évolution permanente qui s’exerce sur le monde inerte comme sur le monde du vivant ? Comment croire que le monde serait conduit uniquement par des processus aveugles et indifférents à l’homme, sans finalité ? Comment croire qu’il n’y a pas de Pourquoi ?

Emylia