samedi 30 novembre 2013

Évangélisation de rue


Récemment, j’ai assisté à une réunion paroissiale sur le thème de « l’évangélisation-éclair de rue ». Le principe consiste à aller spontanément à la rencontre d’inconnus dans la rue pour pratiquer cette évangélisation, par exemple à l’occasion de Noël. Les auteurs de cette curieuse apostrophe, ce pourrait être nous-mêmes, des laïcs volontaires. Cependant, il n’est nullement question de se laisser dicter par qui que ce soit d’extérieur, ce que nous devons faire. Nous devons trouver en nous-même, avec l’inspiration de l’Esprit Saint, le sens de cette action. Je ne sais pas si je vais le faire et si j’en aurai l’audace. Mais si je le fais, je dois comprendre la motivation spirituelle qui m’anime. Je ne rapporte pas ici le sentiment des différents participants mais seulement le mien qui rejoint par plusieurs aspects les réflexions d’autres croyants.
Avoir l’impudence d’aborder de son prochain pour lui parler de Jésus, sans le connaître, c’est prendre le risque se faire remettre à sa place un peu brutalement. Il peut y avoir deux raisons pour cela :
-       La première est que les gens perçoivent cette attitude comme une provocation. Alors en retour nous risquons de déclencher inévitablement la colère et les insultes. Malheureusement, les Chrétiens ont une longue habitude de ce genre de réaction. Cependant, tant qu’il n’y pas de violence, on en est quitte pour une épreuve d’humilité[1].
-       L’autre raison est la crainte. Pourquoi ? Parce que cette attitude d’évangélisation en temps de déchristianisation de la société est surprenante et inhabituelle et à contre-courant. En effet, il y a fort à craindre d’une intention néfaste de la part de l’évangélisateur, comme une tentative d’embrigadement sectaire d’une victime à son détriment. Il faut donc être capable de rassurer la personne abordée par rapport à nos intentions : « l’Église considérée comme l’ecclésia des croyants n’est pas une secte car elle respecte trop la liberté humaine qui imprègne les évangiles. Moralement, elle ne peut garder secrète pour ses seuls adeptes initiés, la joie qui l’anime ».
En l’absence de rejet instinctif, ou bien une fois les craintes levées, alors nous devons poser concrètement le sujet. Mais que dire ensuite ? Je ne m’imaginerais pas avoir la prétention de délivrer un enseignement de catéchèse ou d’affirmer magistralement une parole doctrinale qui placerait l’orateur fort de son savoir au dessus de son interlocuteur. Je tenterais plutôt une attitude d’humilité suggérant la possibilité d’un bonheur et d’une grâce dans sa vie (mais je n’utiliserais pas ce mot trop religieux). Une autre possibilité serait de suggérer une réflexion sur le dysfonctionnement de notre société au regard du bien-être humain et de l’intérêt commun et aussi des personnes. Dans ce cas il serait facile d’évoquer l’existence de la doctrine sociale de l’église (qui a peut être existé avant que les idéologies politiques ne s’emparent de la question sociale ?).
Arrivée à ce stade, je ferais très attention à percevoir si la personne souhaite s’exprimer sur elle-même, sur le sujet, ou bien si elle préfère que nous poursuivions notre parole. En effet il est possible de réveiller chez la personne le désir d’être écoutée et donc d'être reconnue dans sa dignité de personne humaine par une personne aussi illustre que le Christ : « Il vous écoute, parce que vous comptez beaucoup pour lui. Vos tourments ne lui sont pas indifférents. » Dans ce cas, le contact divin a eu lieu et l’évangélisation s’est réalisée.
Si par contre nous devons poursuivre la conversation, alors je ne vois que l'évocation brève en forme de  témoignage sincère de notre expérience personnelle de foi et de conversion. L’écoute passive même muette de la part de l’interlocuteur est elle aussi un gage de contact divin, même s’il ne porte pas nécessairement à une conséquence immédiate. En effet, il faut beaucoup de temps pour que se développe en soi une maturité spirituelle.
L’acte d’évangélisation, même très bref et limité, quelles qu’en soient les conséquences, des insultes au contact réel humain et spirituel, constitue une véritable expérience spirituelle personnelle ineffable, capable d’induire des transformations substantielles chez son auteur.





[1]Dans ce cas je pense à la définition de la Joie parfaite de Saint François d’Assise:
« Au dessus de toutes les grâces et dons de l’Esprit Saint, que le Christ accorde à ses amis, il y a celui de se vaincre soi-même, et de supporter pour l’amour du Christ les peines, les injures, les opprobres et les incommodités, car de tous les autres dons de Dieu, nous ne pouvons nous glorifier, puisqu’ils ne viennent pas de nous mais de Dieu. »

samedi 23 novembre 2013

Liens de vie



Réseau social et spirituel de Jésus Christ
dans le nouveau testament.
Pourquoi sommes nous là, vivants sur cette terre ? Quel doit être notre rôle, notre mission ?
Et si nous étions là pour établir des relations interpersonnelles ? Non pas des liens fondés sur l’opportunisme, la concurrence, le rapport de force ou la domination, traversés par des courants de haine, de colère ou de ressentiments. Plutôt des liens de qualité d’humanité, empreints de respect, de sincérité, d’amitié, de tendresse, et d’amour envers son prochain.
J’ai le sentiment que plus nous créons de tels liens, plus nous tissons autours de nous une toile qui nous relie à la Vie, et plus nous conjurons notre propre mort spirituelle. Ce n’est pas tant le nombre de relations qui importe, c’est leur valeur d’humanité. Il n’y a pas seulement « des liens de chair  ou matériels » avec nos contemporains à établir. Chaque lecture méditée de texte, chaque œuvre musicale écoutée avec plaisir, chaque œuvre d’art contemplée avec émerveillement, chaque beauté de la nature admirée nous relie à une transcendance, à un infini d’espace-temps qui nous dépasse et nous englobe.
À force d’établir des liens de qualité, on finit par trouver le Christ sur notre route, donc cette mystérieuse relation divine qui nous extirpe de notre ordinaire condition humaine.
Il arrive pourtant qu’un jour on doive se défaire dans la douleur de ces liens de chair. Alors pour ne pas se laisser entrainer dans les abysses de la mort spirituelle, il faut apprendre à se déposséder de ces liens.  Il ne s’agit pas d’oublier ceux que nous avons aimés. Nous ne possédons plus nos relations. Nous sommes avec elles pour toujours. Nos attachements sont remplacés par des liens de mémoire ou de présence immatérielle. Nous apprenons à sentir la réalité de leur présence par la prière.
Ce détachement de la matérialité, les apôtres ont appris à le vivre après la crucifixion (et St Thomas a eu bien des difficultés à s’y résoudre). Nous le vivons aussi lorsque nous revisitons les œuvres du passé et que nous comprenons avec empathie les auteurs de ces œuvres. Nous nous projetons vers l’avenir et les hommes du futur lorsque nous essayons de protéger la planète de la pollution, de limiter notre consommation, lorsque nous donnons la vie, lorsque nous arrivons à nous déposséder de nos biens en les transmettant, en offrant généreusement nos savoirs et nos expériences. Même si la mort ou bien la naissance biologique nous séparent matériellement des hommes du passé et de l’avenir, le Christ est un formidable médiateur des relations d’éternité, hors du temps présent.
Ces liens immatériels que nous entretenons sur ce blog sont eux aussi bien réels même si nous n’échangerons probablement jamais nos atomes (nous faisons seulement transiter des flux électrons dans des circuits électroniques dont nous ignorons la complexité). Nos échanges comptent vraiment et contribuent à nous maintenir en vie spirituelle.  Je vous en remercie vivement.

Emylia

PS

En écrivant cet article, j’ai beaucoup pensé au Père Georges. Il me semble qu’il a toujours fait don de sa personne, à tous, à ses paroissiens comme à moi-même. Il a créé des liens indissolubles et ineffables qui dépassent de loin ses seules relations rapprochées. Est-ce parce qu’il était orphelin de père et de mère depuis l’enfance (selon Le Figaro) et que depuis le collège, il se sentait appelé à la vie spirituelle (témoignage sur Canal-plus-web) ? Que ces nombreux liens qu’il a établis dans le passé demeurent présents en lui et nous, avec l’aide de l’esprit saint, pour lui permettre de résister aux éprouvantes conditions de sa séquestration !

Je me rappelle aussi qu’au cours de l’un de nos deux entretiens, il m’avait déclaré qu’il ne comprenait pas l’existence du mal. Je m’étais promise d’y réfléchir ultérieurement (en fait, j’ai eu à m’y confronter par la suite).




--> Le réseau social et spirituel de Jésus-Christ peut être trouvé sur ce site web :
http://www.crossway.org/blog/2007/01/mapping.nt.social.networks/
ou ce site :
http://www.heuristiquement.com/2008_01_01_archive.html

vendredi 15 novembre 2013

Des hommes et des Dieux

En début de cette semaine, j’avais rédigé l’article précédent où j’évoquais une discussion déterminante que j’avais eu avec un prêtre. Je ne souhaitais nullement révéler son identité. Cependant les événements de l’actualité de cette semaine ont rattrapé mon témoignage. Ce prêtre dont je parle n’est autre que le Père Georges, qui vient d’être enlevé au Cameroun le Jeudi 14 novembre.

Évidemment sous le choc, comme de nombreuses personnes qui l’ont connu ou non, il est difficile de s’exprimer à chaud sans laisser transparaitre une émotion affective. Les mots sont forcément insuffisants pour exprimer toute ma reconnaissance pour son empressement à apporter l’aide spirituelle qui convient à son prochain dont moi-même.

Que dire de plus ?

Je comprends son engagement à vouloir apporter son aide aux êtres humains, où qu’ils soient dans le monde, au mépris du danger permanent pour sa propre vie. Ce qu’il a fait, c’est pour la gloire du Christ. Il faut sauver des âmes, là où le mal saigne l’humanité, là le Christ doit être présent plus que partout ailleurs. Son kidnapping rappelle évidemment celui des moines de Tibhirine. Je pense en particulier au Père Christian de Chergé dont les écrits me touchent profondément. Tous ces prêtres « de base » qui affrontent avec courage et au quotidien la barbarie pour apporter un coin de ciel bleu en terre sombre sont l’incarnation véritable de l’Église du Christ.


Je pense que vous vous joindrez volontiers à ma prière pour que Dieu le protège dans son infinie tendresse  contre les horreurs de l’inhumanité.

Croire ou savoir

J’ai rédigé cet article en début de semaine. Depuis ce texte a pris un relief particulièrement triste et consternant. Suite aux événements récents mentionnés dans l’article suivant « Des hommes et des Dieux », j’ai décidé de maintenir sa publication sans modifier cet article d’un iota.

Un jour (avant ma conversion), j’assistais à une réunion de parents dans le cadre de la communion de l’un de mes enfants, organisée par un prêtre qui déclara à brûle-pourpoint « Croire, ce n’est pas savoir… ». Ce n’était ni le lieu ni le moment d’entrer dans de longues discussions sur ce sujet qui ne motivait guère les autres parents, mais que j’aurais bien aimé poursuivre. Je lui ai envoyé plus tard un courrier électronique lui répondant comme une invitation à discuter « comment le savoir ? ». Du coup, il m’a proposé un rendez vous que j’ai accepté pendant lequel j’ai parlé longuement de mes lectures.
Cette rencontre a été déterminante pour moi, dans la conversion que j’allais vivre (mais ce n’est pas le sujet du jour). Même si à cette occasion, nous n’avons pas débattu du sujet qui m’amenait, je me penche de nouveau sur ce thème de la différence entre « croire et savoir ».

J’ai toujours rêvé de pouvoir tout comprendre de la Nature. Adolescente, je m’émerveillais devant les photos spectaculaires d’objets en d’astronomie, comme des nébuleuses colorées, les étonnantes images des planètes et du soleil ou des représentations de notre galaxie et de l’univers. Lors de mes premières années d’études supérieures en physique, j’imaginais qu’il existait une équation ou un système d’équations qui pouvait expliquer tout ce qui existe. Plus j’avançais dans mes études, plus les mathématiques devenaient hyper-compliqués. Alors, j’ai du renoncer à devenir physicienne-théoricienne et je suis devenue physicienne-expérimentatrice. Le but de mon travail consiste à concevoir et à fabriquer des détecteurs utilisés dans des expériences ou dans des observatoires pour observer ou non des phénomènes rares. Mes observations doivent conduire à vérifier ou invalider des théories ou des modèles élaborés par d’autres physiciens. Il m’a fallu quelques années de métier de la recherche pour réaliser qu’il était utopique de tout vouloir comprendre. Même les théories les plus élaborées ne sont que des hypothèses humaines très limitées qui sont bien en deçà de la réalité. Il est clair que nos connaissances ne peuvent être que partielles, approximatives et fragmentaires. Même si les sciences peuvent faire infiniment des progrès dans la connaissance, la vérité s’éloigne toujours autant que l’on s’en approche et cette marche vers le savoir est sans fin.
Finissant pas admettre l’impuissance de l’intelligence humaine à appréhender totalement le réel, je me demande si ma curiosité ne m’a pas conduite à rechercher une autre vérité ailleurs, non pas à l’extérieur de moi-même, mais à l’intérieur. Cette attitude de renoncement est l’expression d’un lâcher prise sur la volonté de posséder le savoir.

Si je lis tellement, ce n’est pas pour apprendre plus de dogmes théologiques. Le savoir pour le savoir ne m’intéresse plus. C’est avant tout pour essayer de comprendre ce qui m’est arrivée et de me persuader toujours plus que ma conversion, source de joie et bonheur, est bien réelle. C’est pourquoi j’aime étudier les témoignages des personnes de toutes les époques pour comparer ma propre expérience avec leur expérience. Plus je trouve des similitudes dans nos pensées ou expériences, plus je me convaincs de la nature universelle de l’expérience spirituelle. Plus je trouve, plus je progresse, plus je crois et moins je sais. Je me sens comme aspirée dans ma quête qui est inachevable.

samedi 9 novembre 2013

Liberté, Égalité, Fraternité

Arbre de vie / arbre de liberté de Gustave Klint
« Liberté, Égalité, Fraternité » est la devise fondatrice de la république française. À bien y réfléchir, ce pourrait aussi être l’aphorisme emblématique de l’esprit des Évangiles.

Je pense que le mot Fraternité ne pose aucun problème au Christianisme puisque tous les hommes et femmes sont appelés à se considérer comme frères et sœurs, en relation bien plus étroite que le vague terme de « prochain » le laisse entendre.

Le mot Égalité laisse supposer que devant Dieu, les différences de positions sociales ou d’aptitudes comptent beaucoup moins que la disposition essentielle du cœur (la capacité d’amour). En effet aucune société humaine est capable de compenser correctement par un dispositif approprié, les inégalités intrinsèques de la nature (santé physique ou mentale), les différences d’origine sociale (riche ou pauvre), les écarts de compétences, voire même des chances ou malchances dans une vie. En dépit de toutes les inégalités évidentes entre les humains, Dieu qui sait lire les cœurs, sait reconnaître la valeur intérieure personnelle de chacun (le degré de sainteté) indépendamment des évidences extérieures. Disons que les mérites du ciel ne sont pas comparables aux mérites terrestres dans le Monde.

Le terme de « Liberté » est plus difficile à argumenter car ce sujet est hyper-sensible. Nous sommes les héritiers d’une longue histoire de la quête de liberté de l’individu : révolution française, séparation de l’église et de l’état, laïcité de la république. Nous sommes si arcboutés sur notre liberté si chèrement acquise, que parfois nous pouvons basculer dans l’excès inverse : l’ivresse de la liberté acquise nous conduit à vouloir la préserver à n’importe quel prix. Ce prix est le rejet a priori de toute forme de contrainte, de religion ou d’idolâtrie présupposée aliénante. Le paradoxe extrême vise par exemple la recherche de bonheur (quête plurimillénaire) étant utopique, il conviendrait de ne plus s’en occuper et de se consacrer aux seules vraies choses tangibles et sérieuses du réel-matériel. Mais ce postulat du « bonheur utopique » devient à son tour idéologie ou idolâtrie du sérieux et du réel-matériel.

Suivre le Christ ne signifie nullement obéissance absolue à un chef qui est Dieu. C’est la conquête de notre liberté intérieure qui apprend à s’affranchir des contraintes extérieures de la société humaine sans renoncer  à l’idée de bonheur possible. La différence entre la Loi et le Christ (la vérité, le chemin, la vie), c’est que la première on doit l’observer par devoir et le second par amour. Ce que l’on fait par devoir est une contrainte. Ce que l’on fait par Amour est conforme à la propre nature de soi-même donc constitue un acte libre.

Je veux dire qu’à force de vouloir comprendre le sens des Évangiles, on se transforme intérieurement et on ne désire plus que de vivre conformément à la parole du Christ. Le devoir a cédé sa place au désir de vivre selon le Christ par pure expérience du bonheur réel.

Ma propre expérience fut donc l’expression d’un désir de Christ à un moment de ma vie. Je n’ai jamais éprouvé la moindre contrainte de devoir croire, par contre j’ai ressenti un vaste sentiment de liberté intérieure qui m’a permis d’éviter de tomber dans certains pièges de ce que l’on appelle communément tentations ou perversités.

Emylia